Présentation générale

Que reste-t-il de nos stations de montagne ?

Diversification des pratiques touristiques et sportives en montagne et reconfiguration territoriale en France et en Suisse

 

Les chercheurs de l’axe “Sport et territoires touristiques” de la Plateforme de recherche sur le sport de l’Université de Lausanne (issus de l’Institut des sciences du sport et de l’Institut de géographie et durabilité) et l’Equipe SYSTER de l’Unité de Recherche Développement des Territoires Montagnards d’Irstea Grenoble, organisent un séminaire de recherche intitulé “Que reste-t-il de nos stations de montagne ?” le 21 juin 2017 à Sion. Ce séminaire se destine à la présentation de travaux autour des trajectoires de développement des stations de montagne. La thématique retenue pour cette journée se conçoit comme une invitation à repenser le rôle des stations de montagne dans la dynamique territoriale en Suisse et en France au travers d’approches ancrées à la fois en géographie, en sciences du sport, en aménagement du territoire, en économie ou en science politique.

 


 

Comme le rappelle Vlès (1996), l’origine du terme station, vient du latin stare, le lieu où s’arrête le voyageur et, en conséquence, dans lequel s’organise leur accueil pour une durée plus ou moins longue. Dans ce sens l’équipe MIT proposait en 2008 une définition, inspirée par Knafou et al. (1997), considérant la station comme une combinaison de fonctions interdépendantes « un lieu urbain où l’activité touristique est dominante, qui a des fonctions touristiques et urbaines peu ou pas diversifiées ». Dès lors, peu de choses distinguent clairement la ville de la station (Stock, 2001).

 

Néanmoins, tel que le démontre Cuvelier (1997) dans son analyse du développement touristique dans le cadre du contrat de régulation fordiste, la recherche d’économies d’échelle conduit à la rationalisation et à la spécialisation de la production. Les stations sont ainsi qualifiées comme des ensembles hyperspécialisés par Levy et Lussault (2003), faisant plus référence aux loisirs constitutifs de l’attractivité de la station, notamment sportifs, qu’à l’ensemble des fonctions qu’elle remplit. De fait, ce qui distingue la station des destinations touristiques fondées sur des territoires « ordinaires », quel que soit leur niveau de renommée ou de « touristicité », c’est bien leur construction autour d’un motif de fréquentation particulier, qu’il s’agisse de la mer en été ou de la montagne en hiver.

 

L’organisation de la fréquentation touristique s’articule alors autour d’une activité centrale. Sur le littoral il s’agit de l’accès à la plage ou à la baignade, en altitude cela concerne le domaine skiable et la pratique du ski de descente. Force est de reconnaître que l’implantation de remontées mécaniques se prête à la fois à la concentration de l’offre dans un nombre de lieux limités, afin d’atteindre une densité suffisante pour assurer la ventilation des skieurs sur un domaine assez vaste, et à une organisation fonctionnelle de l’espace pour organiser le séjour à leur proximité. Telle est la logique adoptée en France pour la mise en œuvre de la Doctrine neige soutenue par l’Etat dans les années 1960 (François, 2007, François and Marcelpoil, 2012) et qui a abouti au schéma type de la station dite de Troisième génération, dont la rationalité est une évidence (Cumin, 1970), et au modèle décrit par Debarbieux (Debarbieux, 1995 ). En Suisse, si le modèle français a pu faire des émules, la dynamique d’aménagement, bien qu’en partie soutenue par la Confédération dans le cadre de la politique régionale, demeure le fruit d’une multiplicité d’initiatives privées (Clivaz and George-Marcelpoil, 2015, Herbin, 1987). Le rapport Rolland (2006) met ainsi en avant les risques associés au manque de consolidation de l’offre suisse, en miroir des rigidités du modèle de la station intégrée d’altitude à la française. Ces formes de développement héritées de logiques parfois dépassées demeurent un objet de questionnements actuels (Vlès and Bouneau, 2016).

 

Autant, dans le cas de la Suisse, le concept de station peut cacher des formes de développement d’intensité diverses, où la centralité des remontées mécaniques n’est pas le seul critère constitutif, autant la faible plasticité de l’exemple français interroge la persistance de cette forme de développement et sa capacité d’adaptation. Ainsi, la notion de diversification de l’offre touristique pose clairement ce problème des frontières conceptuelles de la station, notamment quand elle propose un changement d’échelle pour appréhender plus globalement la destination touristique (par exemple, celle des espaces valléens en France) ou un changement profond de la nature des offres sportives suite à des situations économiques systématiquement déficitaires. Dès lors, quelles seraient les principales différences ou similitudes entre la Suisse et la France en matière de diversité des offres sportives en montagne, de rôle central joué par les sports d’hiver et par le ski, ou encore du rôle structurant des investissements locaux dans les remontées mécaniques ? Existe-t-il un gradient de la diversité de l’offre touristique inversement proportionnel à l’intensité de l’équipement en remontées mécaniques ?

 

D’un point de vue territorial, nous pouvons aussi nous poser la question des limites de la station. Depuis de nombreuses années, le territoire n’est en effet plus invoqué comme un simple support de station, mais comme un véritable actif touristique dans le cadre d’une transition d’un mode de développement générique à un mode de développement spécifique (Achin, 2015, François, 2007). Dans quelle mesure, cette recherche de ressources complémentaires remet-elle en cause l’unité spatiale de la station ? Comment cette dernière participe-t-elle à l’organisation de l’offre sur le territoire ? Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que les recherches sur les activités sportives de nature ont montré l’importance économique de ces activités (Langenbach, 2012) alors même qu’elles ont leur logique propre de répartition sur le territoire, en fonction de sites favorables au regard de la pratique, plutôt qu’en fonction d’une polarisation autour d’équipements structurants. L’oxymore est consommé quand la « Station de Trail »TM est inventée pour désigner le lieu d’accueil donnant l’accès à une diversité d’itinéraires, parfois relativement éloignés. Cette offre repose à la fois sur la capacité d’accueil du territoire, la station comme lieu de séjour, et la possibilité de pratiquer le trail rapidement et facilement, mais elle s’affranchit de la dimension organisationnelle propre au concept de la station. Suivant cet exemple, la station touristique ne serait-elle plus qu’une porte d’entrée sur le territoire ? Avec quelles retombées économiques pour les acteurs locaux ? Quel apport pourrait avoir la station sur la structuration de l’offre de loisirs sportifs ? Dans le cadre de ces mutations organisationnelles (rôle du territoire) mais aussi fonctionnelles (rôle des sports de nature notamment), quels nouveaux modes de fréquentation des destinations touristiques confrontées au développement des court-séjours et au zapping des clientèles ?

 

Toutes ces questions se posent avec d’autant plus d’intérêt qu’elles sont de nature à remettre profondément en cause la capacité d’accueil des stations. La moindre valorisation de l’immobilier par le tourisme ouvre la porte à la résidentialisation, d’autant que l’attractivité touristique du territoire, la présence d’aménités et le développement de l’offre de loisirs contribuent également à l’attractivité résidentielle (François and Marcelpoil, 2007). Ce paradoxe du tourisme comme outil d’aménagement du territoire a également été étudié dans le cas de l’exclusion des populations locales n’ayant plus les moyens d’accéder à un foncier sur-valorisé par le tourisme. Alors même que le développement touristique se justifie par un apport de revenus sur le territoire permettant aux acteurs locaux d’y demeurer, il se retrouve in fine rejeté aux marges des stations. Dans une logique similaire à la réorganisation territoriale de l’offre touristique, ici c’est l’unité de l’organisation productive qui est interrogée (Vlès, 2014). Dans quelle mesure le bon fonctionnement des stations dépend-il d’un territoire élargi ? Comment d’autres formes de tourisme plus orientées sur l’offre culturelle ou la valorisation du patrimoine peuvent-elles trouver leur place dans cette (ré)organisation ? Quels phénomènes de recomposition territoriale (partenariats, fusions, créations de réseaux, etc.) l’évolution des stations implique-t-elle ? La définition d’une offre touristique à une échelle plus large implique-t-elle une reconfiguration des acteurs et partant une transformation des modes de gouvernance ? Et enfin, dans ce contexte, quels seraient les effets des dispositifs de régulation telle que la limitation du nombre de résidences secondaires proposée par la Lex Weber (Clivaz, 2013) ?

 

L’objectif scientifique de ce séminaire est donc de comparer les situations suisses et françaises afin d’en tirer des enseignements croisés et de prendre du recul par rapport à la notion même de station (1) telle qu’elle s’est co-construite en France au croisement des objectifs politiques et de l’approche scientifique et (2) en Suisse où l’organisation de l’offre touristique a essentiellement été confiée aux initiatives privées en l’absence de ligne directrice étatique. Ces différences de modes de construction conduisent-elles à des divergences fondamentales entre les modèles de stations en Suisse et en France et impactent-elles durablement leur évolution ? Nous chercherons ici à décliner cette question au travers de plusieurs thèmes : les nouvelles formes de la station ; les nouveaux modes de gouvernance ; la place des activités sportives (de nature) dans le tourisme en montagne ou encore le rôle de la diversification touristique sur l’économie locale.

 

Cette journée de présentations sera conclue par une intervention du prof. Vincent Vlès (Université Toulouse – Jean Jaurès) qui les mettra en perspective avec les résultats de ses propres travaux.

 

Pour participer

 Les communications devront durer 20 minutes et elles seront suivies d’un moment d’échanges de 10 minutes environ. 

Toutes les informations sur ce séminaire, ainsi que le formulaire d'inscription (l'inscription est obligatoire) sont disponibles en ligne sur ce site internet. Les propositions de communication se feront sous la forme d’un résumé d’une page maximum (environ 2000 signes) et devront être déposées jusqu’au 30 avril 2017. Une réponse quant à l’acceptation de votre communication vous parviendra d’ici au 15 mai 2017.

Pour toutes questions spécifiques vous pouvez contacter Marc Langenbach par e-mail (marc.langenbach@unil.ch).

La participation à ce séminaire est gratuite et le repas sera pris en charge par l’organisation. Les frais de déplacement et d’hébergement sont à la charge des participant.e.s. Cette journée se déroulera le mercredi 21 juin de 8h30 à 17h sur le site de Sion de l’Université de Lausanne (ex-IUKB à Bramois, VS).

 

Comité d'organisation

  • Christophe Clivaz (christophe.clivaz@unil.ch) : Professeur associé à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne, site de Sion
  • Marc Langenbach (marc.langenbach@unil.ch) : Premier assistant à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne
  • Hugues François (hugues.francois@irstea.fr) : Ingénieur de recherche à Irstea Grenoble
  • Emmanuel Bayle (emmanuel.bayle@unil.ch) : Prodesseur associé à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université de Lausanne
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